Sois aussi léger que la plume de la Déesse Mâat.
Les maladies chroniques correspondent à une rupture permanente de l’équilibre corporel, appelé homéostasie : c’est un processus actif, dynamique, finement réglé qui permet de maintenir stable notre environnement interne.
C’est un ensemble de mécanismes actifs qui permettent aux cellules de fonctionner normalement. Ces mécanismes sont très nombreux et témoignent de la magie de la vie.
Pour qu’une cellule fonctionne en harmonie, il lui faut, chaque jour, une quantité d’énergie définie. Pour cela, elle doit être capable de la produire tous les jours pour satisfaire ses besoins. Sa principale source de production d’énergie est la mitochondrie, petit organite contenu dans la cellule. Véritables et performantes turbines à énergie, ces mitochondries, doivent être alimentées par des combustibles provenant des aliments que nous ingérons et que nous prédigérons dans notre tube digestif : les protéines, les graisses, les glucides. De l’atmosphère, nous tirons oxygène pour compléter.
Lorsque ces éléments sont en quantité adéquate, la mitochondrie va pouvoir procéder à ses opérations qui lui permettent de produire l’énergie essentielle, appelée ATP, véritable « Soleil » au cœur de la cellule.
Il lui faut en complément, assez de micronutriments : vitamines, oligoéléments.
Les mitochondries très délicates, sont très sensibles aux variations du milieu interne, aux polluants divers internes et externes capables de bloquer leur fonctionnement. Ces polluants se comportent comme de véritables voleurs de « Soleil ».
Un environnement externe et interne en équilibre de la cellule sont donc très importants pour garantir la qualité du fonctionnement des mitochondries. Cet équilibre appelé homéostasie, est cependant instable (et encore plus dans les conditions de notre modernité actuelle où les pollueurs-stresseurs sont omniprésents) mais, il est maintenu par des mécanismes régulateurs programmés hérités de notre histoire humaine.
Dans l’organisme, il existe par exemple, des mécanismes qui maintiennent la température stable autour de 37 degrés Celsius, le pH (paramètre qui mesure l’acidité) stable autour de 7, 38 -7,42, la glycémie autour de 1g/L…Un système de détoxification, par le tube digestif le foie, la peau, les reins, les poumons permet d’éliminer les xénobiotiques et les déchets de notre métabolisme.
L’intérieur de la cellule est également maintenu propre par un certain nombre de processus : lorsque les mitochondries sont en fonctionnement normal, elles produisent des déchets, comme le gaz carbonique que nous éliminons par nos poumons pour l’essentiel, ainsi que des espèces oxygénées actives que l’on appelle aussi radicaux libres qui peuvent être toxiques lorsqu’ils sont en excès et pour lesquels il existe un système de neutralisation.
Les grands organisateurs et coordonnateurs de cet équilibre à l’échelle organique sont Les systèmes nerveux autonome et endocrinien. Le système nerveux possède des récepteurs qui permettent de percevoir les signaux de danger. Il déclenche des réponses rapides comme la fuite. Le système nerveux est également en lien par l’hypothalamus avec le système endocrinien qui produit des hormones qui agissent sur les différents organes régulant leur action. L’ensemble interagit en général dans un ballet harmonieux, se répondant l’un à l’autre dans des appels et des feedbacks.

Au cours d’un stress par exemple, le système nerveux sympathique par le biais de l’hypothalamus déclenche la sécrétion d’adrénaline et de cortisol en stimulant l’hypophyse qui active les glandes surrénaliennes. Ces hormones vont permettre d’augmenter le glucose sanguin qui sera à disposition des cellules immunitaires, actrices du stress et dont la demande en énergie augmente lors de leur activation. Afin de limiter les actions de ces hormones, elles-mêmes interagissent avec l’hypophyse pour limiter leur propre sécrétion permettant le retour à l’équilibre : un stress provoque en général une rupture temporaire de l’homéostasie neuro-endocrinienne.
LA REPONSE CELLULAIRE AU STRESS

Elle se déroule en 3 phases qui se succèdent de manière stéréotypée :
1-Phase inflammation
2-Phase prolifération
3-Phase de différentiation ou remodelage
Après un stress par blessure, par exemple, il survient une inflammation visible à l’œil nu qui constate un œdème, douleur et rougeur… Si l’on regarde au niveau des cellules, ces dernières produisent des espèces oxygénées actives pour défendre contre l’intrus ; puis lorsque l’intrus est maitrisé, elles nettoient le foyer inflammé et les processus de réparation entrent en jeu : les cellules prolifèrent formant un granulome qui comportent principalement des cellules immunitaires ainsi que des cellules du tissu lésé nouvellement formées, immatures au départ, produites par les cellules souches de ce tissu. Et pour que la cicatrisation soit complète, il est nécessaire que la prolifération des cellules cesse et que les cellules immatures quittent leur adolescence pour ressembler à des cellules matures pleinement fonctionnelles. Toutes ces phases du stress cellulaire et sa réparation sont stéréotypées coordonnées et finement orchestrées.

A chacune des phases du stress, le comportement cellulaire est différent comme indiqué ci-dessus et si l’on regarde à l’intérieur de ces cellules, la mitochondrie et le noyau cellulaire jouent des rôles différents à chacune de ces étapes.
La mitochondrie subit une reprogrammation entre la phase d’agression par le stress et la phase de guérison-cicatrisation qui se reflète en surface par les modifications que nous observons : inflammation-prolifération-différenciation
LES MITOCHONDRIES AU COURS DE LA RESOLUTION DU STRESS CELLULAIRE
C’est la mitochondrie qui est le senseur du danger cellulaire, qui orchestre et coordonne la réponse au stress. Elle communique ses ordres au noyau afin de produire les éléments indispensables au fonctionnement cellulaire (réponse rétrograde). Elle a également besoin de son compagnon cellulaire pour sa propre survie (réponse antérograde).
Phase 1-inflammation
En effet, la mitochondrie dispose de récepteurs (Pattern-Recognition Receptors) qui détectent les particules des micro-organismes (Pathogen-Associated Molecular Patterns) et les molécules issues de cellules endommagées (Danger-Associated Molecular Patterns). Tous ces récepteurs mitochondriaux sont capables de déclencher la réponse inflammatoire et provoquent la libération de cytokines pro-inflammatoires et vont attirer les cellules actrices de l’inflammation : globules blancs, plaquettes.
Les mitochondries vont non seulement produire des molécules qui déclenchent l’inflammation comme la libération de l’ATP dans le milieu extracellulaire (eATP), mais elles vont aussi produire des espèces oxygénées actives (en particulier dans les macrophages, cellules-éboueur) qui sont des armes pour détruire les agents infectieux (1,2,3).
Au cours de la phase inflammatoire, la machinerie mitochondriale devient une machine de guerre en produisant des bouffées d’espèces oxygénées actives. De ce fait, elle produit moins d’énergie expliquant pourquoi, on peut ressentir une certaine fatigue au démarrage d’une infection. Pour compenser, une partie de l’énergie cellulaire sera produite par la glycolyse ou fermentation.
Phase2- Prolifération cellulaire
Une fois le foyer inflammé nettoyé, il est temps de réparer. Au cours de la phase de prolifération cellulaire pour remplacer les cellules détruites lors de la bataille. Les mitochondries doivent également retrouver leur nombre. Elles vont progressivement se multiplier aidées en cela par le noyau cellulaire qui possède une partie de leur patrimoine génétique.
Dans cette phase de prolifération, les cellules utilisent un moyen de production énergétique original. Elles préfèrent faire de la fermentation malgré l’oxygène présent, c’est ce que l’on appelle la glycolyse aérobie (effet Warburg). Ce mode de production d’énergie permet d’économiser de la matière carbonée qui est nécessaire pour produire de nouvelles cellules qui remplacent celles détruites. En effet, la chaine respiratoire mitochondriale qui consomme de l’oxygène et produit du gaz carbonique dans le cadre de la respiration cellulaire classique est peu fonctionnelle.
Cet effet Warburg est utilisé par les cellules en besoin de prolifération, que ce soient les microbes ou nos cellules : cellules immunitaires par exemple et n’est en rien spécifique d’un cancer, situation dans laquelle les cellules poursuivent leur prolifération sans pouvoir passer à l’étape de différenciation (4,5).
Phase3- différenciation cellulaire
C’est une étape au cours de laquelle le système immunitaire retrouve le repos et les cellules spécialisées d’organe; les cellules de l’épiderme par exemple renouvelées par les cellules souches de la peau vont devenir adultes. Les mitochondries reprennent, elles aussi leur fonctionnement normal, leur forme habituelle, leurs interconnections, leur respiration de Paix, qui est la phosphorylation oxydative par la chaîne respiratoire, celle qui consomme de l’oxygène et produit de l’eau et du gaz carbonique et qui est la plus efficiente à fournir de l’ATP.
« Sans la mitochondrie, il n’y pas de guérison possible » comme l’explique si bien le Dr RK Naviaux.
Les situations pathologiques par persistance d’un ou plusieurs stresseurs, ou par insuffisance de la fonction mitochondriale conduisent aux pathologies chroniques et au cancer.
La constitution d’un cancer correspond à un cycle de guérison qui ne peut être achevé et la réponse au stress reste bloquée en phase de prolifération cellulaire, pour des raisons qui restent à découvrir et qui sont notre challenge…
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Références :
1-Andrieux P et al, Mitochondria as a Cellular Hub in Infection and Inflammation. Int J Mol Sci. 2021 Oct 20;22(21):11338.
2-Naviaux RK. Mitochondrial and metabolic features of salugenesis and the healing cycle. Mitochondrion 2023 (70) : 131-163
3-Tschopp J. Mitochondria: Sovereign of inflammation? Eur. J. Immunol. 2011. 41: 1196–1202
4-Lunt SY et al, Aerobic glycolysis: meeting the metabolic requirements of cell proliferation Annu Rev Cell Dev Biol . 2011:27:441-64.
5-Palson-Mac Dermott EV et al, The Warburg effect then and now: from cancer to inflammatory disease. Bioessay. 2013 Nov;35(11):965-73
Pour compléter :
Livre « Cancer : maladie génétique ou crise énergétique cellulaire ? »
Sociétés en détresse : vers une compétition ou une coopération symbiotique?